FRANCE 24

Posted on jeudi 16 juin 2011
Filed Under () by Yacob. S Ouattara on jeudi 16 juin 2011


Depuis 2002, le Tour du Qatar est organisé en début d'année.
Depuis 2002, le Tour du Qatar est organisé en début d'année.
Pascal Le Segretain/Getty Images
Par Farid Achache
Depuis une quinzaine d'années, le Qatar investit des sommes importantes dans l'économie du sport. Du cyclisme au tennis en passant par le rallye automobile, le golf ou le football, la plupart des sports majeurs ont trouvé leur place dans cet émirat de 1,6 million d'habitants. En 2022 et à la surprise générale, le Qatar organisera l'évènement le plus médiatique de la planète, la Coupe du monde de football.
On a du mal à imaginer un peloton cycliste courir entre les dunes et les champs pétroliers. Depuis quelques années, cette image est pourtant bien réelle. En 2002, le Qatar organisait son premier Tour sous l’égide de la société française Amaury Sport Organisation (organisateur entre autre du Tour de France, ndlr), maître en la matière. Une dizaine d’années plus tard, la légende vivante du cyclisme Eddy Merckx est devenu familier des lieux. Inconcevable il y a 20 ans, quand le cyclisme se pratiquait principalement sur le continent européen.
Coupe du Monde de football en 2022
Outre le cyclisme, d’autres évènements comme le tennis, la moto, le golf ou la course automobile rassemblent sur ce petit territoire les plus grands noms actuellement en activité. Roger Federer y a joué l’Open de tennis masculin, alors que le champion de moto espagnol Dani Pedrosa est venu y disputer un Grand Prix. Le Danois Thomas Bjørn a quant à lui remporté le Qatar Masters en golf en 2011. Même un tournoi de ping-pong richement doté, comptant pour le circuit ITTF Pro Tour, a été organisé en début d’année.
Mais pour les Qatariens, le graal suprême reste la Coupe du Monde de football 2022, attribuée en décembre dernier par la FIFA, au nez et à la barbe des Américains, grands favoris. Il faut dire qu'en matière de football, le Qatar a commencé son lobbying il y a plusieurs années.
Perçu comme un Eldorado pour footballeur en fin de carrière, il a permis à certains d’entre eux de continuer leur activité. La plupart du temps pour des salaires mirobolants. Batistuta, Romario, Guardiola, des anciens champions du monde de l’équipe de France comme Franck Leboeuf, Christophe Dugarry ou Marcel Desailly ont séjourné dans l’émirat. Pour les Qatariens, il ne faisait pas de doute qu’un jour ou l’autre ils finiraient pas se voir attribuer la Coupe du monde. Après la première attribution pour l’Afrique en 2010 (Afrique du sud), un pays du monde arabe devait selon eux être forcément désigné.
Pour cela, ils n’ont pas hésité à s’offrir les services d’un des hommes les plus influents de la planète foot, Zinédine Zidane. Celui-ci aurait perçu des millions d’euros, le chiffre officiel reste secret. Dans un entretien au journal l’Equipe, l'ancien meneur de jeu de l'équipe de France dit ne pas s’être engagé pour l’argent mais pour un projet sportif digne d’intérêt : « oui, c'est beaucoup d'argent. Mais cet argent-là est redistribué par la Fondation Zidane. Je n'ai pas fait ça pour l'argent (...) J'avais envie de faire ça par rapport à ce projet qui est réellement intéressant ».
Le Qatar n’hésite pas à se lancer dans des projets pharaoniques
Championnat du monde de handball en 2015, Coupe du monde de football en 2022 et les voilà en lice pour l’organisation des Mondiaux d’athlétisme en 2017. Malgré une population de 1.6 millions d’habitants dont seulement 300 000 Qatariens, ce pays est devenu l’épicentre du sport mondial. Les investissements sont colossaux et le Qatar n’hésite pas à se lancer dans des projets pharaoniques. Certains leur opposent le manque de spectateurs sur ces futures compétitions, qu'à cela ne tienne, ils iront les chercher en avion dans les pays voisins.

La présentation d'une maquette de stade lors d'une inspection de la FIFA dans le cadre leur candidature au Mondial 2022, le 16 septembre 2010 à Doha.
Rose/Getty Images
En vue de 2022, le pays va construire neuf stades dont l’architecture et le fonctionnement sont incroyables. Evidemment le budget n’est pas un problème pour cet état qui est le troisième producteur de gaz au monde. « Nous allons construire des stades où la température ne dépassera pas les 27 degrés centigrades, en utilisant une technologie fonctionnant à l'énergie solaire avec des émissions réduites de Co2 », a affirmé cheikh Mohammad, président du Comité d'organisation qatari pour le Mondial-2022.
Alors que les stades actuels sont vides à 90 % lors des rencontres du championnat local, la question de leur pérennité a été réglée dans le dossier de candidature. Ils seront tout simplement démontés et offerts à des pays pauvres d'Asie et d'Afrique.


Un bémol tout de même, le traitement des ouvriers du bâtiment est pointé du doigt par laConfédération syndicale internationale. La CSI a publié en mai 2011 un rapport qui dénonce les conditions de travail et les salaires jugés extrêmement bas de l’importante main-d’œuvre migrante. Un courrier a été envoyé au président de la Fifa, Sepp Blatter, et au délégué du Qatar à la Fifa, le magnat de la construction Mohamed bin Hammam (suspendu actuellement par la Fifa, ndlr), afin de demander à l’instance internationale du football comment elle comptait protéger les personnes qui travaillent sur les chantiers.
Amnesty International pointe aussi du doigt cette situation dans son rapport annuel : « les travailleurs étrangers, qui constituaient plus de 80 % de la population du Qatar, continuent d’être exploités et maltraités par leurs employeurs, malgré des modifications récentes de la législation sur le travail. »
Le Qatar souhaite préparer l’après pétrole en devenant le pays phare de la région
Autre investissement de taille, l’Aspire Zone. Ce complexe sportif réparti sur 200 hectares accueille depuis 2005 une académie de sport études d’environ 200 élèves. C’est là que sont formés les footballeurs qui composeront l’équipe du Qatar en 2022. En On y trouve aussi l’Aspetar, un centre de médecine sportive et orthopédique accrédité par la FIFA en 2008.
A sa tête, le professeur Saillant, spécialiste mondial en chirurgie orthopédique et traumatologique qui a pratiqué à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Il avait notamment opéré le footballeur brésilien Ronaldo en 1999, 2000 et 2008. On vient du monde entier pour se faire soigner dans ce centre. Pour s'offrir une légitimité, un laboratoire antidopage est en construction et devrait recevoir l’agrément de l’agence mondiale antidopage.
Au-delà du sport, le Qatar souhaite préparer l’après pétrole en devenant le pays phare de la région. En se positionnant comme le pays organisateur de grands événements sportifs, il se donne un crédit pour d’autres grandes manifestations. Selon son ambassadeur en France, beaucoup d’autres projets sont à l’œuvre notamment en matière d’éducation avec l’accueil des plus grandes universités internationales et de santé. Dans un entretien publié par Lemonde.fr, il déclare : « Notre stratégie repose sur deux piliers : l'éducation et la santé. Nous accueillons déjà de grandes universités britanniques, canadiennes ou néerlandaises et venons d'ouvrir une antenne d'HEC à Doha. »
Après le sport, le Qatar s’attaquera donc à d’autres secteurs stratégiques, ce pays est définitivement sorti de l’anonymat.

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